culte - 28 ans plus tard - danny boyle - 2025 Eng/fr Vers
22 juin 2025«28 ans plus tard». Le chaos sublime d’un cinéma qui ne demande pas la permission.
Danny Boyle revient et il a ramené des explosifs
Il y a des films qu’on attend, et d’autres qu’on ne sait pas qu’on attendait. "28 ans plus tard", c’est ça : un choc inattendu, une résurrection flamboyante. On pensait que la saga était morte, enterrée sous les ruines de la quarantaine et les souvenirs de rage virale. Mais Danny Boyle, en chef d’orchestre détraqué, revient avec un feu intérieur. Et pas pour faire une suite tiède. Il revient pour balancer tout ce qu’il a, pour jouer, provoquer, déborder. Et ça fait un bien fou.
Une œuvre dense, arty, grotesque, magnifique
Le film est tout sauf timide. C’est une orgie de styles, une œuvre foisonnante, arty, grotesque, même baroque parfois. Une horreur qui flirte avec l’art contemporain.
Une poésie sale.
À certains moments, on a l’impression d’être dans un cauchemar de Gaspar Noé, puis soudain dans une rêverie à la Tarkovski, puis on retombe dans un sprint de survie brutal. On sent un cinéaste qui se fait plaisir, mais pas au détriment du spectateur – au contraire. Il embarque, il électrise, il déstabilise. Danny Boyle n’essaie pas de nous plaire : il veut qu’on ressente. Et on ressent.
Une histoire intime dans le bruit du monde
Derrière la terreur, une histoire. D’abord un père et son fils, puis une mère et son fils.
L’arc bascule.
C’est une tragédie familiale, éclatée dans un monde qui ne tient plus debout. Il y a du lien, du cœur, de l’intime au milieu des cris. La rage n’est plus seulement un virus : c’est une émotion.
Une trilogie qui mute à chaque chapitre
Ce qui rend cette saga unique, c’est qu’elle refuse de se répéter. Chaque film a sa propre peau, sa propre langue visuelle. Et "28 ans plus tard" n’est pas une suite, c’est une mutation.
"28 jours plus tard" (2002) — DV, grain et génie du cadre
Petit retour arrière. En 2002, "28 jours plus tard" débarque avec la gueule de travers : filmé en DV (oui, Canon XL1, caméra semi-pro de l’époque), granuleux, brut, presque laid en apparence. Mais cette laideur est un masque : derrière, il y a une mise en scène incroyablement pensée. Ce n’est pas un film bricolé à l’arrache – c’est un film de cadreur obsessionnel.
Les cadrages sont sublimes, mais dans une logique de tension, pas d’esthétique léchée. Boyle joue sur les vides, les silences, les bords du cadre. Londres déserte devient un immense théâtre post-apocalyptique. Le plan iconique de Cillian Murphy qui erre sur un pont désert, minuscule dans l’immensité urbaine : c’est du cinéma pur. Le déséquilibre des lignes, la lumière naturelle à l’aube, les perspectives écrasantes – tout est pensé pour créer une émotion d’isolement, de vertige.
Et puis il y a cette mise en scène du chaos contrôlé, caméra à l’épaule, oui, mais jamais au hasard. Boyle capte l’énergie des corps, le danger hors-champ, le surgissement. Il sait exactement où poser sa caméra pour qu’un coin de rue vide devienne un piège. Il travaille avec le peu, mais il en tire beaucoup. L’espace devient un personnage, un piège, une respiration.
C’est là qu’on sent un grand réalisateur à l’œuvre, malgré les moyens modestes. Le film ne séduit pas par son image – il choque, il happe, il prend aux tripes. Et pourtant, il est beau. D’une beauté sèche, tragique, presque documentaire, mais belle quand même. Un film cadré au scalpel dans un monde en train de s’effondrer.
"28 semaines plus tard" (2007) — Tragédie géométrique
Puis vient "28 semaines plus tard", en 2007, réalisé par Juan Carlos Fresnadillo. Changement d’équipe, changement de ton. Là, c’est du 35mm, de la pellicule, de la lumière contrôlée, une mise en scène chirurgicale. Plus propre, oui. Mais surtout plus glacée, plus maîtrisée.
Et il faut le dire : les cadrages sont magnifiques. Chaque plan est construit avec une précision dramatique. L’ouverture, cette fuite du père lâche sous une lumière dorée, dans un décor rural, c’est du tragique en mouvement. Les couloirs de la zone de quarantaine, les foules encadrées, les vitres, les séparations : le film parle avec son cadre. Le monde est en ordre… jusqu’à ce qu’il explose. Et quand il explose, c’est pire, parce qu’on avait cru au contrôle.
Fresnadillo ne cherche pas l’émotion brute – il construit une tension lente, une tragédie géométrique. Et même si certains trouvent le film froid, il brûle d’une autre manière. Un film de guerre, de surveillance, de trahison. Plus américain dans la structure, mais habité par une vraie vision.
"28 ans plus tard" (2025) — Le retour du feu, version hallu totale
Et là, Boyle revient. Et il se lâche. Il a tout : caméras dernier cri, post-prod libre, drones, filtres, effets visuels. Et il détruit les codes.
Le film est un délire visuel. Des moments psychédéliques, des images floues, distordues, contaminées. Des séquences qui ressemblent à un mauvais rêve sous acide, ou à une peinture qui hurle. C’est organique. C’est viscéral.
L’image devient un personnage. Elle tangue avec les émotions, elle vibre avec la rage. Parfois c’est trop. Mais c’est ça qui est bon. On sent un cinéaste qui ose tout, quitte à déborder. Et ça nous embarque.
Le virus, la famille, l’héritage impossible
Et pourtant, dans ce chaos, une émotion persiste. Le cœur bat. Le lien familial (père/fils, puis mère/fils) devient l’axe tragique. Le film parle de transmission, d’héritage, de ce qu’on laisse à nos enfants quand tout s’écroule. La rage devient une métaphore. Ce n’est plus seulement une maladie : c’est ce qu’on laisse couler dans les veines des générations suivantes.
Un cinéma qui ne demande pas la permission
"28 ans plus tard" est un film qui déborde. De style, de sons, d’idées, de sensations. Un film sincère, excessif, habité. Il ne cherche pas à plaire. Il cherche à vivre. À cracher. À aimer.
Ce n’est pas une suite. C’est un manifeste. Une lettre d’amour au cinéma qui ne tremble pas. Qui n’a pas peur d’être trop. Qui ne demande pas la permission.
“28 Years Later.” The sublime chaos of a cinema that doesn’t ask for permission.
Danny Boyle is back—and he brought explosives.
There are films we wait for, and others we didn’t know we were waiting for. "28 Years Later" is the latter: an unexpected shock, a blazing resurrection. We thought the saga was dead—buried under lockdown rubble and viral rage memories.
But Danny Boyle returns like a mad conductor, burning from the inside. And he’s not here to deliver a lukewarm sequel. He’s here to throw everything he’s got. To play, to provoke, to overflow.
And it feels damn good.
A dense, arty, grotesque, magnificent piece
This film is anything but shy. It’s a stylistic orgy—a sprawling, arty, grotesque, even baroque work. Horror flirting with contemporary art.
Dirty poetry.
At times, it feels like a Gaspar Noé nightmare; the next, a Tarkovsky dreamscape—before plunging back into brutal survival. You can feel the director enjoying himself—but never at the audience’s expense. Quite the opposite. He sweeps you up, electrifies you, unbalances you.
Boyle isn’t trying to please. He wants us to feel. And oh, we do.
An intimate story within the noise of the world
Beneath the terror, there’s a story. First, a father and his son. Then, a mother and her son.
The arc flips.
It’s a shattered family tragedy in a world that no longer stands. There's connection, heart, intimacy in the middle of the screams. Rage is no longer just a virus—it’s an emotion.
A trilogy that mutates with every chapter
What makes this saga unique is that it refuses repetition. Every film has its own skin, its own visual language.
And "28 Years Later" isn’t a sequel—it’s a mutation.
“28 Days Later” (2002) — DV grain and framing genius
Back to the beginning. In 2002, "28 Days Later" showed up all crooked and raw: shot on DV (yep, Canon XL1—a semi-pro camera at the time), grainy, rough, almost ugly. But that ugliness was a mask. Behind it: exquisitely calculated direction.
It wasn’t a scrappy film—it was the work of an obsessive cameraman.
The framing is sublime—but always in service of tension, never polished aesthetics. Boyle plays with emptiness, silence, the edges of the frame.
A deserted London becomes a post-apocalyptic stage. That iconic shot of Cillian Murphy wandering across an empty bridge, tiny in a vast urban void—it’s pure cinema. Tilted lines, dawn’s natural light, crushing perspective—all engineered to evoke isolation and vertigo.
And then, that choreography of controlled chaos. Yes, it’s handheld—but never random. Boyle captures bodies in motion, danger just offscreen, sudden appearances. He knows exactly where to put the camera to turn an empty street corner into a trap.
He does a lot with little. Space becomes a character—a trap, a breath.
That’s the mark of a great director, even with modest means. The film doesn’t seduce with looks—it jolts, grabs, shakes you to your core. And yet it is beautiful. A dry, tragic, almost documentary beauty—but beautiful all the same. A film carved with a scalpel in a collapsing world.
“28 Weeks Later” (2007) — Geometric tragedy
Then came "28 Weeks Later" in 2007, directed by Juan Carlos Fresnadillo. New team, new tone. Now we’re talking 35mm, controlled lighting, surgical mise en scène. Cleaner, yes. But also colder.
And let’s be clear: the framing is gorgeous. Every shot constructed with dramatic precision.
The opening—the father’s cowardly escape under golden light in a rural setting—is moving tragedy in motion.
Quarantine corridors, monitored crowds, glass partitions, divides—the film speaks through its framing. The world appears orderly… until it explodes.
And when it explodes, it hits harder—because we believed in the illusion of control.
Fresnadillo doesn’t chase raw emotion—he builds slow-burning tension. A geometric tragedy.
And though some found it cold, it burns in another way. A war film. A surveillance film. A film of betrayal.
More American in structure—but driven by real vision.
“28 Years Later” (2025) — The fire returns, in full hallucinatory mode
And now, Boyle is back. And he’s unleashed.
He’s got it all—state-of-the-art cameras, unrestrained post-prod, drones, filters, VFX.
And he blows up the codes.
This film is a visual delirium. Psychedelic moments, blurry, distorted, infected images.
Sequences like bad acid dreams—or screaming paintings.
It’s organic. It’s visceral.
The image becomes a character. It sways with emotion, vibrates with rage.
Sometimes it’s too much.
But that’s the point.
You can feel a filmmaker daring everything—even going overboard. And it pulls us in.
The virus, the family, the impossible legacy
And yet, beneath the chaos—there’s a heartbeat.
The family thread (father/son, then mother/son) becomes the tragic core.
The film speaks of transmission, of legacy—of what we leave to our children when the world crumbles.
Rage becomes metaphor.
No longer just an infection—it’s what we let flow through the veins of the next generation.
A cinema that doesn’t ask for permission
"28 Years Later" is overflowing. With style, sound, ideas, sensations.
It’s sincere. Excessive. Possessed.
It doesn’t try to be liked.
It tries to live. To scream. To love.
It’s not a sequel—it’s a manifesto.
A love letter to a kind of cinema that doesn’t flinch. That isn’t afraid to be too much.
That doesn’t ask for permission.