PORTRAIT - LE MYSTERE KÂ
01 avr. 2025FRENCH.
Le mystère Kâ.
Portrait du rappeur culte de Bronxville.
New York. Brooklyn. Bronxville. Le ciel est toujours un peu blanc. Il ne se brise jamais vraiment. Des silhouettes zombifiées traversent les immeubles en briques crasseuses. Sans doute la dope qui serpente et prend la vie de ceux qui ne savent pas comment la garder. Au fur et à mesure qu’ils avancent, les ombres s’allongent, se réfléchissent sur le mur comme celles de Nosferatu, le vampire dans le film de Murnau. Avalés par leur propre reflet, leur histoire. Les défis façonnent les caractères. Kaseem Ryan grandit là. Entouré de Ghettoblaster posé au sol. Devant les devantures des drugstores. Essence et cliché du rap. Là où Grandmasterflash et Kurtis Blow ont réanimé des espoirs et des enfances. Des quartiers. Kaseem écoute les murmures de la ville. Il écoute le flow. Parfois. Parfois seulement il écoute leurs ces promesses en lambeaux et leurs joies éphémères. Il écoute surtout le silence. C’est un mec silencieux. Timide. Un mec au regard profond. Il se balade dans ce quartier. Ce quartier qu’il aime. Chez lui. Ce quartier le représente. Brooklyn est son identité. Il y a quelque chose dans les silences, quelque chose qu’il faut apprendre à dompter. Rien n’est facile. Il s’en fout. Il est là, il affronte.
Pourquoi chercher la fight alors que les mots sont les vraies armes. Ils frappent plus fort que des coups de poing. Il ne veut pas être un de ces types qui aboient des menaces vides, qui parlent fort, mais ne disent rien. Non. Lui, il cisèle chaque phrase comme un diamant noir. Il y a la rue, les codes. Il y a aussi l’écriture. Pas juste aligner des rimes pour impressionner, mais une discipline, un art. Chaque ligne, une dissection, une autopsie du réel. Il s’appelle Kâ maintenant. Deux lettres. Tranchantes, implacables.
Certains s’excitent, gonflent la poitrine, veulent briller. Lui, il reste dans l’ombre. Pas besoin de lumière. Ouais, son flow, c’est une lame froide, une caresse rugueuse, un chuchotement. Pas de refrain accrocheur, pas de gimmick facile. Juste des images. Des scènes. Il rappe comme on grave une épitaphe. Ils sont plusieurs à travailler ensemble, un collectif qui sème des tracks, qui partage des instrus.
Le succès arrive, lentement. Culte, underground, respecté de tous. Il lâche des disques comme des bouts de lui-même, sans forcer, sans se presser. Il compose des albums solos. Descendants Of Cain. Woefull Studies … Le rap underground de New York forme une communauté. Il collabore avec certains de ses potes. Ils ont la même vision de la musique. Elle les unis. Roc Maciano. Meyhem Lauren. Il traîne le soir tard après le boulot dans les studios remplis de vinyles. Des raretés. Ils ont trimé pour les obtenir. Les instrus naissent de leur feeling, de leurs envies. Et les voix se posent.
Autre vie. Loin des micros, il enfile un casque, des bottes. Pompier de New York. Un pied dans la fumée des incendies, l’autre dans celle du rap. Il sauve des vies en silence, comme il découpe ses réflexions dans l’ombre. Une double existence. Ceux qui savent, savent. Les autres n’ont pas besoin de comprendre. Il est au service des gens. C’est tout.
Les années passent, la voix s’éraille, les ombres s’allongent. La religion grandit dans son cœur. Il s’en est rapproché. Au fil du temps. Héritage familial. Ka a souvent parlé de sa quête spirituelle, de son approche religieuse dans son travail. Il aborde le thème du sacrifice, du péché. Il est vu par beaucoup comme un poète mystique dans le paysage du hip-hop.
Il continue d’écrire, de rapper, de distiller des vérités crues. Puis un jour, il disparaît. Le 12 octobre 2024. Pas de discours, pas d’adieux dramatiques. Une simple annonce. Kâ est mort. Silence brutal. Circonstances inconnues. Mystère total.
Il laisse derrière lui des textes, des sons qui hantent, des images marquées au fer rouge. Pas d’héritage clinquant, pas de statues, pas de trophées. Juste des morceaux d’âme dispersés sur des instrus sombres. Et ce sublime « The Thief Next to Jésus ». Juste une voix qui résonne encore.
Parce que Kâ n’était pas fait pour la lumière. Il était fait pour l’éternité.
ENGLISH
The Mystery of Kâ.
Portrait of the Cult Rapper from Bronxville.
New York. Brooklyn. Bronxville. The sky is always a little pale. It never really breaks.
Zombie-like figures drift through the grime-covered brick buildings. Probably the dope, slithering through veins, stealing the lives of those who never learned how to hold on to them.
As they move forward, shadows stretch, reflected against the walls like Nosferatu’s in Murnau’s film. Swallowed by their own reflection, their own story. Challenges shape character. Kaseem Ryan grew up here. Surrounded by ghettoblasters resting on the pavement. In front of drugstore windows. The essence and cliché of rap. The same streets where Grandmaster Flash and Kurtis Blow breathed life back into childhoods and lost hopes. Into entire neighborhoods.
Kaseem listens to the city’s whispers. He listens to the flow. Sometimes. Only sometimes, he listens to their tattered promises and fleeting joys. But mostly, he listens to the silence. He’s a quiet guy. Shy. A man with a deep gaze. He walks these streets. The streets he loves. Home. They are him. Brooklyn is his identity.
There’s something in the silence, something you have to learn to tame.
Nothing comes easy. He doesn’t care. He’s here. He stands his ground. Why chase fights when words are the real weapons? They hit harder than fists. He doesn’t want to be one of those guys barking empty threats, talking loud but saying nothing. No. He chisels every line like a black diamond.
There’s the street, its codes. And then there’s writing. Not just lining up rhymes to impress, but a discipline. An art. Each bar, a dissection, an autopsy of reality.
Now, he’s Kâ. Two letters. Sharp. Unforgiving. Some puff up their chests, craving attention, desperate to shine. He stays in the shadows. No need for light. Yeah, his flow is a cold blade, a rough caress, a whisper. No catchy hooks, no easy gimmicks. Just images. Scenes.
He raps like carving an epitaph.
He’s not alone. A collective, sowing tracks, sharing beats. Success comes slowly. Cult. Underground. Respected by all. He drops records like pieces of himself—no rush, no pressure. Solo albums. « Descendants of Cain ». « Woeful Studies”. New York’s underground rap scene is a brotherhood. He collaborates with those who match his vision. Roc Marciano. Meyhem Lauren. Late nights after work, hanging in studios filled with vinyl. Rare finds. They hustled for those.
The beats come from instinct, from mood. And the voices settle onto them.
Another life.
Away from the mic, he puts on a helmet. Heavy boots. New York firefighter. One foot in the smoke of burning buildings, the other in the smoke of hip-hop. Saving lives in silence, like he crafts his thoughts in the dark. A double existence. Those who know, know. The rest don’t need to understand.
Serving people. That’s him.
Years pass, his voice grows hoarse, shadows stretch longer. Faith takes root in his heart. It draws him closer. Over time. A family legacy.
Kâ has always spoken of his spiritual quest, his religious approach in his music. He explores sacrifice, sin. Many see him as a mystical poet in hip-hop’s landscape. He keeps writing, rapping, cutting raw truths.
And then, one day, he vanishes.
October 12, 2024.
No speech. No dramatic farewell. Just a simple statement.
Kâ is dead.
Brutal silence. Unknown circumstances. Total mystery. He leaves behind lyrics like scars, sounds that haunt, images burned into memory.
No flashy legacy. No statues. No trophies. Just fragments of soul scattered across dark beats. And that sublime “The Thief Next to Jesus”. Just a voice that still echoes.
Because Kâ was never made for the spotlight.
He was made for eternity.