ROCK PSYCHÉ - À REDÉCOUVRIR - Kikagaku Moyo - PORTRAIT - ENG/FR VERSION
03 mai 2025Kikagaku Moyo – motifs pour mémoire lente
Kikagaku Moyo signifie "motifs géométriques". Un nom comme un signal. Rien de linéaire, rien de stable. Le son serpente. Les angles se dissolvent. C’est un groupe qui travaille la matière comme d’autres un textile oublié : par frottement, par accident, par vision intérieure.
Tokyo, 2012. Deux garçons sans formation. Pas de méthode. Juste des idées floues et l’envie de jouer dans la rue. Très vite, la formation s’étoffe. Guitares, batterie, sitar, basse. Cinq silhouettes aux allures de sages paumés. Pas de genre revendiqué, pas de discours. Juste un espace sonore à occuper, comme un jardin mental.
Premier album brut. Forêt de sons. Ensuite vient House in the Tall Grass — respiration étirée, herbe haute, psychédélisme végétal. Un disque en apesanteur, comme si le folk avait bu du thé noir dans une chambre en bois. Puis Masana Temples : tournant clair. Enregistré à Lisbonne. Groove lent, électricité douce, basses liquides. Des morceaux comme des arches, ouverts à tous les vents.
Le sitar n’est pas un effet. Il est l’os. Le rythme est une transe qui ne dit pas son nom. Chaque instrument semble jouer pour lui-même, et pourtant l’ensemble tient, fragile, parfait. La voix, en retrait, souvent murmurée. Rien de spectaculaire. Une esthétique du retrait. Un refus du trop.
En 2022, arrêt volontaire. Dernière tournée. Dernier disque. Pas d’annonce en grande pompe. Une sortie comme une fumée. Le geste ultime : partir avant de se trahir. Finir sur une note tenue, sans céder à l’épuisement.
Depuis, les disques tournent encore. Les live se transmettent comme des souvenirs confiés. Le culte reste discret. Rien à vendre. Rien à expliquer. Juste une œuvre en suspens. Un ensemble de formes sonores, lentes, hallucinées, profondes.
Kikagaku Moyo n’a jamais cherché à séduire. Et c’est pour cela que la musique persiste, comme un rêve sans réveil.
Kikagaku Moyo – Patterns for Slow Memory
Kikagaku Moyo means “geometric patterns.” A name like a signal. Nothing linear, nothing fixed. The sound winds. Angles dissolve. A band working with sound like some lost textile—through friction, accident, inner vision.
Tokyo, 2012. Two boys with no training. No method. Just blurred ideas and the urge to play in the street. The lineup grows quickly. Guitars, drums, sitar, bass. Five figures like wandering sages. No claimed genre, no speech. Only a sonic space to inhabit, like a mental garden.
The first album is raw. A forest of sound. Then House in the Tall Grass — long breaths, tall grass, vegetal psychedelia. A floating record, as if folk music had sipped black tea in a wooden room. Then Masana Temples: a clear shift. Recorded in Lisbon. Slow groove, soft electricity, liquid bass. Tracks shaped like arches, open to all winds.
The sitar is not a gimmick. It’s the bone. The rhythm forms a trance that never declares itself. Each instrument seems to play for itself, yet the whole holds—fragile, precise. The voice remains distant, often whispered. Nothing spectacular. An aesthetic of retreat. A refusal of excess.
In 2022, a deliberate end. Final tour. Final record. No grand farewell. Just a silent departure. The ultimate gesture: to leave before betrayal. To end on a sustained note, without surrendering to exhaustion.
Since then, the records continue to spin. Live shows circulate like entrusted memories. The cult remains discreet. Nothing to sell. Nothing to explain. Just a suspended body of work. A set of sonic forms—slow, hallucinatory, deep.
Kikagaku Moyo never sought to please. And because of that, the music endures—like a dream with no waking.