HIP HOP - ASEOP ROCK - BLACKHOLE SUPERETTE - ALBUM - 2025
05 juin 2025Aesop Rock – Black Hole Superette : Rap d'épicerie noire et cosmos mental en promo
Il y a des albums qui frappent comme un éclair. D’autres rampent comme une fissure dans le plafond de la cuisine. Black Hole Superette, le nouvel opus d’Aesop Rock sorti le 30 mai 2025, est de ceux qui colonisent doucement le quotidien jusqu’à ce qu’il devienne méconnaissable. Pas un concept-album. Pas vraiment une confession. Plutôt un journal d’errances, griffonné entre deux boîtes de thon et un rayon allumettes dans une supérette hantée.
Une supérette dans le vide spatial
Le titre dit déjà tout : Black Hole Superette. Une boutique minuscule suspendue dans un vide intersidéral. Une image parfaite pour résumer le rap d’Aesop Rock en 2025 : dense, encombré, mais infiniment personnel. Chaque morceau ressemble à une allée mal éclairée d’un magasin sans logique. À gauche : les souvenirs d’enfance mal classés. À droite : les névroses contemporaines emballées sous vide.
Dès le premier morceau, on sait où on est. Ou plutôt, on comprend qu’on ne saura jamais vraiment. Aesop enchaîne des vers comme des produits en rayons, les sort de leur contexte, les retourne, les réétiquette. Il parle de chats errants, de grillages tordus, de fixations mentales absurdes. Il rappe comme un inventaire, comme un type qui essaie de recenser sa propre vie à l’aide de post-it et de codes-barres métaphysiques.
Cortex en désordre, flow en apesanteur
Sur le plan du flow, Aesop est toujours ce jongleur furieux, capable d’imbriquer les syllabes comme des pièces de Lego endommagées. Il n’a rien perdu de sa densité lexicale, mais on sent ici un léger recul — non pas une mollesse, mais une forme de respiration. Certains beats laissent de l’air. Les rythmes s’assouplissent. On entend moins le besoin de prouver, plus le plaisir d’observer. Sa voix groovy et velouté nous emporte chaque fois davantage dans ses aventures perso.
La prod est souvent signée par lui-même, ce qui crée une parfaite symbiose : il rappe dans un décor qu’il a lui-même construit, comme un bricoleur parano qui murmure des poèmes entre deux coups de perceuse mentale. Les textures varient : un sample lo-fi d’une vidéo éducative oubliée, une boucle de synthé qui donne le tournis, des basses molles comme un vieux canapé.
Petites choses, grandes angoisses
Là où d’autres rappeurs visent les grandes causes, Aesop reste obsédé par le minuscule. Il préfère parler d’un tuyau qui goutte, d’un carnet raturé, d’un paquet de céréales trop sucré. Mais chez lui, ces détails deviennent cosmiques. Ce n’est pas un refus du monde, c’est un repli stratégique — comme si observer les miettes sur la table du petit-déj permettait d’éviter l’effondrement général.
C’est aussi un album très visuel. On voit les objets, on sent les textures. C’est comme feuilleter un vieux catalogue IKEA sous LSD. La superette devient un décor mental, un lieu de vertige domestique.
« Checkers » Deux chiens se battent pour un kebab froid, pendant qu’un type note tout dans un carnet trempé.Ici, l’échec est en solde, mais personne n’ose l’acheter. Les néons bugguent comme les idées. On ne capte pas tout, mais t’avances quand même.
Un vortex de détail qui raconte l’essentiel.
Black Hole Superette n’est pas un album qui cherche l’adhésion facile. Il se mérite. Il demande de l’attention, du recul, et parfois, une pause pour respirer entre deux morceaux. Mais ceux qui acceptent de s’y perdre y trouveront une carte mentale fascinante, une tentative de reconstituer un soi fracturé à travers le filtre d’un monde trop saturé.
C’est du rap de haute précision dans un emballage lo-fi. C’est de l’artisanat étrange, plein d’humour discret, de lucidité floue. Et c’est sans doute l’un des projets les plus cohérents d’Aesop Rock depuis The Impossible Kid, tout en étant plus intime, plus humble.
En somme : un album qui n’a l’air de rien — mais qui contient tout.
Some albums strike like lightning. Others crawl in like a hairline crack in the kitchen ceiling. Black Hole Superette, Aesop Rock’s new release (May 24, 2025), belongs to that second category — the kind that slowly colonizes your daily life until everything starts looking unfamiliar.
Not a concept album. Not quite a confession either. More like a journal of mental drift, scribbled between two cans of tuna and a shelf of matchsticks in a haunted corner store.
The title says it all: Black Hole Superette. A tiny store floating in the interstellar void. A near-perfect metaphor for Aesop Rock’s rap in 2025 — dense, cluttered, but intensely personal. Each track feels like a dimly lit aisle in a store that obeys no logic. To the left: disorganized childhood memories. To the right: vacuum-sealed contemporary neuroses.
From the first track, you know where you are. Or rather, you understand that you’ll never really know.
Aesop lines up verses like store items, takes them out of context, flips them around, re-tags them. He talks about stray cats, warped fences, absurd mental fixations. He raps like he’s doing inventory — a man trying to catalogue his life using Post-its and metaphysical barcodes.
When it comes to flow, Aesop is still that furious juggler, able to interlock syllables like damaged Lego bricks. He’s lost none of his lexical density, but there’s a subtle shift — not slackness, but breath. Some beats leave space. The rhythms loosen. You hear less of the need to impress, more of the joy in simply observing.
Much of the production is self-handled, creating a perfect symbiosis: he’s rapping inside a world he built himself, like a paranoid handyman whispering poems between two bursts from a mental power drill.
Textures vary: a lo-fi sample from a forgotten educational tape, a synth loop that induces vertigo, basslines sagging like an old couch.
Where other rappers aim for big causes, Aesop stays obsessed with the minuscule. He prefers talking about a leaky pipe, a scribbled-out notebook, a box of overly sweet cereal.
But in his hands, these details become cosmic. It’s not a refusal of the world — it’s a strategic retreat, like watching the crumbs on your breakfast table so you don’t have to watch the whole world collapse.
It’s also a deeply visual album. You see the objects, feel the textures. It’s like flipping through an old IKEA catalog on acid. The superette becomes a mental landscape — a domestic vertigo setting.
Two dogs fight over a cold kebab while a guy scribbles everything down in a soaked notebook.
Here, failure is on sale — but no one dares to buy it. The neon lights glitch like ideas. You don’t catch everything — but you keep moving anyway.
Black Hole Superette isn’t an album that goes out of its way to win you over. It demands your attention, your distance — and, occasionally, a pause between tracks just to catch your breath. But those who let themselves get lost in it will find a fascinating mind map: an attempt to reassemble a fractured self through the lens of an oversaturated world.
It’s high-precision rap wrapped in lo-fi packaging. Strange craftsmanship filled with quiet humor and blurry lucidity. Arguably Aesop Rock’s most cohesive project since The Impossible Kid — only this one feels more intimate, more modest.
In short: an album that looks like nothing — but holds everything.